Etrange de parler de désertification après une présentation un peu énigmatique faisant de l'Andalousie une matrice féconde pour le regard et l'intelligence. Soit. Mais avant d'en arriver là, il faut partir des constats et des analyses. Et le problème le plus préoccupant pour l'Andalousie, le pourtour méditerranéen et la planète en général, pour moi, c'est celui de la désertification.
Vous allez me dire que certes c'est important mais qu'il y a beaucoup d'autres problèmes plus urgents à régler en Espagne, à commencer par le chômage, les questions de dette et même la survie quotidienne. C'est juste. Mais je parle des tendances lourdes qui risquent de plomber une bonne partie de l'Espagne et toute la Méditerranée. On se préoccupe beaucoup de la désertification en Chine et dans d'autres pays du monde. Mais en Méditerranée, on en entend à peine parler. Il suffit pourtant de regarder le paysage pour s'en inquiéter sérieusement. Il faut dire qu'en Méditerranée l'inventaire des problèmes à régler est plutôt fourni.
Permettez moi de commencer par un petit témoignage personnel.
Durant mon enfance et mon adolescence, nous
partions chaque année avec mes parents sur le littoral de la province
d’Almeria. Mes souvenirs d’été contiennent beaucoup de sables, de figuiers de
Barbarie et d’étendues désertiques rocailleuses. Une grande sécheresse qui
semblait faire peu de place à la modernité, en dépit d’un développement très
rapide des serres d’agriculture hors-sol intensive appelées à augmenter
considérablement la richesse nominale de la province et ses problèmes
écologiques et sociaux. Entre Almeria et le Cabo de Gata, la côte présentait
peu d’intérêt pour la fibre historique et ethnologique que je ne possédais de
toute façon pas encore. On voyait des plages et des périphéries villageoises de
plus en plus bétonnées, des golfs et les piscines se généraliser dans une terre
aride bordée par des montagnes figées dans le temps et la sécheresse.
C'est bien cela qui déroute en Andalousie et la façade méditerranéenne: des monocultures gourmandes en eau (y compris les gazons pour les golfs) dans un milieu sec voire aride. Des gaspillages d'eau hallucinants et peu de précautions pour conserver l'eau. L'eau y est perçue comme une externalité marchande où il ne suffit que de payer pour y avoir accès. Pour subvenir à ses besoins colossaux, des stations de désalinisation de l'eau de mer sont installées sur le pourtour méditerranéen. Or ces stations exigent une alimentation énergétique exorbitante pour fonctionner. Les usagers ne devraient-ils pas se poser davantage de questions? Notamment sur le caractère de besoin réel de leurs usages en eau?
Mais le problème de la désertification ne s'arrête pas là. La désertification procède de la dégradation des sols. La mort biologique des sols entraîne le lessivage et la disparition physique du sol, dont la production agricole dépend. A part les huertas et quelques zones où l'eau abonde, le paysage de l'Andalousie semble souvent se figer dans le minéral, avec des arbres en séries rectilignes qui sont adaptés à ce climat et à ce type de sol. Et encore, l'Andalousie n'est pas la région la plus touchée d'Espagne: le pays valencien, la région de Murcia et les Canaries sont encore plus menacés.
On estime que 37% des sols espagnols sont menacés par la désertification (Europapress, 14 juin 2013). Plus du tiers de la surface utile! Résultats: aucune production possible, paupérisation, risque de glissement de terrain et d'inondations. Car nous l'avons vu en 2012-2013, après une année de grande sécheresse, des pluies à n'en plus finir ont causé des inondations destructrices un peu partout.
Bref il est impératif que l'Espagne multiplie les initiatives pour lutter contre la désertification. Pour terminer ce premier billet d'humeur, rappelons que la province d'Almeria, aujourd'hui la plus désertique d'Europe (avec le désert de Tabernas qui a servi de décor à "Il était une fois dans l'Ouest" - j'adore ce film), était autrefois une province assez boisée. Ses forêts ont été décimées pour les besoins de la construction navale de l'émirat puis du califat de Cordoue qui avait installé à Almeria ses chantiers navals. Epoque lointaine mais qui illustre bien l'empreinte écologique des activités humaines.
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